Les pionniers du tourisme
Thomas Cook & Sons, pionniers du tourisme sur le Nil
Le premier voyage "test" de Thomas Cook & Sons en Égypte a lieu en 1860. Alors que Thomas Cook, le père, avait plutôt "travaillé" sur l'Europe, l'Amérique et la Terre Sainte, son fils John Mason entrevoit le potentiel que peut représenter l'Égypte, avec sa richesse historique et sa croissante présence anglaise.
Ce premier périple en terre pharaonique constitue une véritable aventure puisqu'aucune infrastructure touristique n'existe alors. "Thomas Cook a dû prévoir d'amener 65 chevaux, 87 mules pour les bagages, des tentes, des lits, des cantines pour que les cuisiniers puissent préparer les repas."
En 1869, Cook reçoit une invitation personnelle de Ferdinand de Lesseps à assister à l'inauguration du canal de Suez. Il affrète le steamer "America" de la Lloyd's et offre ainsi à ses clients l'incroyable opportunité de faire partie de la parade fluviale célébrant la première traversée vers Suez, dans le sillon de "L'Aigle" et du "Mahroussa". "La liste des passagers est ouverte aux classes bourgeoises, aux employés de banques, aux commerçants ou à la profession libérale et le décalage des standings nourrit les sarcasmes de la presse britannique, dont les caricatures ridiculisent les Cooks et Cookesses à la recherche éperdue des divas de l’aristocratie cosmopolite."
Miss Riggs, qui participe à ce premier voyage organisé révèle ses impressions dans son journal de bord "First Grand Tour to Egypt, the Nile & Palestine". Il n'existe pas encore de véritable accompagnateur (le drogman verra bientôt le jour), aussi précise-t-elle que c'est le médecin égyptien qui se trouve à bord qui sert d'interprète. Quant au guide "papier" il n'est pas encore devenu le "compagnon" indispensable au voyage (le premier Baedecker Egypte sera édité en 1878), d'où une information limitée sur le pays … qui l'amène à regretter de n'avoir pu visiter, à Alexandrie, la célèbre bibliothèque !
La même année, Cook lance sa première croisière sur le Nil. Il n'a pas encore ses propres bateaux et saisit l'alternative de louer l'un des vapeurs du Khédive.
En 1870, Cook ouvre un bureau au Caire, dans la galerie du Shepheard's Hotel. Très vite, il obtient la concession des services fluviaux pour le transport des touristes jusqu'au sud d'Assouan et il en arrive rapidement à louer l'ensemble des bateaux du Khédive.
Il obtient également "la concession du service postal égyptien. L’affaire semble n’avoir aucun intérêt sauf sur un point essentiel : une clause permet à Cook de construire ses propres bateaux et donc de se dégager de ses obligations envers le Khédive."
Cook entreprend donc la construction de ses propres steamers, en Angleterre, dans les chantiers de la Clyde. Ils arrivent en pièces détachées dans les chantiers de Boulaq où ils sont assemblés par les ingénieurs britanniques. Une "flotte" de 22 bateaux, issus de plusieurs séries, d'une capacité différente, voit le jour. La technologie, associée au luxe, fait des merveilles. Ainsi, se retrouvent sur le Nil, le Sudan, l’Arabia, l’Egypt, le Rosetta, le Damietta, le Memnon, le Chonsu, le Serapis, l’Oonas, le Fostat, le Seti ou bien encore le Scarab… pour une croisière qui dure alors 20 jours.
La croissance exponentielle du tourisme induit, parallèlement, une diversification des offres d'hébergement. Ainsi, à Louxor, selon le “Guide Baedecker” de 1903, le touriste peut résider dans une "pension de famille au prix modeste et très convenable, ou encore au tout nouveau Savoy Hôtel". Cook a lui-même installé deux hôtels : le "Louxor Hotel" en 1877, puis le "Karnak Hotel" en 1890.
L'ancienne Thèbes s'affirme très vite comme "plaque tournante" du tourisme sur le Nil. Cook décide alors d'y implanter un véritable hôtel de grand standing visant à accueillir la bonne société cosmopolite. Construit en bordure du Nil dans la continuité du temple, le Winter Palace est inauguré en 1907. Son imposant escalier à double révolution débouche sur un immense et luxueux hall de réception et "ses aménagements sont tout ce qu’il y a de plus moderne et de plus luxueux, lumière électrique et ascenseur" (Comment visiter l’Égypte, 1911-1912). En contrebas se trouve un débarcadère auquel accostent les dahabiyas et les bateaux à vapeur.
Le Winter Palace devient très rapidement le rendez-vous de l'aristocratie, principalement britannique. Fort de ce succès, Cook réitère très vite ce "concept du luxe" en construisant l'Old Cataract à Assouan.
Tourisme de masse, tourisme de luxe, Cook est à la croisée de ces multiples destins qui se retrouvent sur et au bord du Nil… Et, en 1914, l'égyptologue Georges Legrain fera le constat suivant : "Les touristes étrangers, Cooks and Cookesses, sont 'quelques milliers' chaque année à Louxor et en Haute-Égypte. La ville vit en grande partie au rythme de ses occupants étrangers, touristes, voyageurs, savants et administrateurs, à savoir du mois d’octobre au mois d’avril, la haute saison se situant de janvier à mars."
Marie Grillot
Sources
http://teoros.revues.org/1476
Miss Riggs, “Diary - Grand Tour to the Nile and Palestine”, 1869
http://books.google.fr/books?id=YLKtsBpiwMIC&pg=PA211&lpg=PA211&dq=miss+riggs+egypt&source=bl&ots=-V-bIFJ_M1&sig=Mr204lt8CVjZXKk5QBDE4WSkzFI&hl=fr&sa=X&ei=tJ-UU5HhOMel0QWM_QE&ved=0CCwQ6AEwAA#v=onepage&q=miss%20riggs%20egypt&f=false
Guide Baedeker, Égypte Soudan, 3ème édition, 1908
http://www.academia.edu/4080154/_Tourisme_international_Etat_et_communautes_locales_en_Égypte_Louxor_un_haut-lieu_dispute_#1
http://www.steam-ship-sudan.com/fr/le-developpement-de-l-egyptologie.asp
"On the Nile in the Golden Age of Travel", by Andrew Humphreys, The American University in Cairo Press, 2015
http://www.aucpress.com/p-4942-on-the-nile-in-the-golden-age-of-travel.aspx
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