L' artisanat au temps de Rekhmirê
Nous avons partagé l'an dernier le quotidien de mon Vizir préféré. Nous l'avons vu, attentif et exigeant envers le petit peuple travaillant sous ses ordres.
Et si, maintenant, nous nous penchions vers "ces petits, ces obscurs, ces sans grade" ?
Retournons dans la TT 100, et observons la muraille sud de la salle longue (côté gauche en regardant la fausse porte du fond).
Au milieu du mur, au sommet de la paroi, voici les "bijoutiers"
Assis sur des tabourets tripodes, ils percent les perles pour les assembler ensuite en colliers .Un foret à archet sert au perçage. trois forets à la fois sont mus en va et vient. Le même principe sera repris en menuiserie.Les perles sont en cornaline, en lapis lazuli, mais aussi en or. Ce sont des bijoux de très haute gamme, réservés aux grands personnages du règne.
Après les parures, l'utilitaire :
Regardez bien ! l'artisanat du cuir est rarement représenté dans les tombes, et tout ici est minutieusement décrit, et les outils figurent en bonne place. le tannage était rudimentaire,on ôtait les poils par traitement à l'urine, la cendre, ou une pâte à base de farine mélangée à du sel. Les peaux trempaient dans de grandes jarres contenant de la graisse ou de l'huile afin de les assouplir, puis, lissées sur un cadre de bois, elles étaient ensuite remises aux cordonniers. L'égyptien "ordinaire"marchant le plus souvent pieds nus, on en déduit que les sandales étaient destinées à l'armée ou aux nobles. Outre les sandales, qui constituent l'essentiel de la fabrication, le cuir sert aussi à la confection de boucliers et de carquois. la peau conservait alors les poils de la bête.
Venons en à la menuiserie
De quels bois disposaient les ouvriers de Rekhmirê ? Entre autres, l'acacia, l'érable champêtre, le caroubier, le persea (vous le connaissez, celui-là, c'est sur ses branches que souvent Thôt écrit),le tamaris, le jujubier. L'ébène est importé d'Afrique, le cèdre, du Liban. Le sycomore est réservé aux statues, aux cercueils, aux chars et aussi aux poutres des toitures.
Le bois est traité en plateaux, lesquels sont sciés, attachés en appui sur une poutre fichée dans le sol, puis séparés et mis à sécher.
Autres ustensiles, l'herminette, l'équerre et le trépan à archet, déjà mentionné pour le travail des perles (en plus grand format, bien sûr).
Qui dit menuiserie, dit ébénisterie. Il nous est montré l'inclusion d'ébène sur les parois d'une chapelle.
La métallurgie n'est pas oubliée, et occupe même un registre entier juste sous la menuiserie.
Le métal pesé, il faut ensuite le fondre. Les fourneaux fonctionnent au charbon de bois. C'étaient des cavités creusées dans le sol et revêtues de pierres.Pour attiser le feu, les ouvriers disposaient de chalumeaux en roseau, pourvus d'extrémités métalliques. Mais l'égyptien est ingénieux ! il améliore le système en utilisant des soufflets posés sous les pieds, et actionnés comme nous le ferions pour gonfler un matelas pneumatique ou une piscine de jardin.
La tombe de Rekhmirê nous montre la fabrication d'une porte de bronze. Les ouvriers amenaient au dessus du moule de la porte un creuset, dont ils s'apprêtent à verser le métal en fusion dans des entonnoirs pour remplir le moule. Le bronze refroidi, il n'y a plus qu'à retirer la porte du moulage, et la polir.
L'orfèvrerie est aussi en bonne place.
Les vases sont en argent ou en or. Ils sont martelés au moyen d'une pierre.Pied et corps sont travaillés séparément, puis assemblés. Nous ne connaissons pas la nature de la soudure .Viennent ensuite les finitions (polissage et inscriptions éventuelles)
Nous pourrions aussi évoquer les sculpteurs, les tailleurs de pierre. Certaines statues, en particulier celles adossées au VIIeme pylône de Karnak, ressemblent fort à celles représentées chez Rekhmirê. Les boulangers, les pâtissiers, les maçons,et d'autres encore ne sont pas oubliés, mais ils vous attendent sur place.
Quel que soit son domaine, chacun travaille avec conscience et efficacité. Les textes surmontant le Vizir précisent qu'il inspecte les travaux de tous les artisans du Temple d'Amon, qu'il donne toute consigne, et il est fait rappel de son autorité. Tous les ateliers représentés dépendent du Temple d'Amon de Karnak. Peut-être étaient-ils situés sur le site du Trésor de Thoutmosis 1er, à l'est du Temple de Montou, et près du Temple de Ptah.
Les artisans de Rekhmirê sont proches de nous, et, spectateurs attentifs, nous admirons leurs travaux décrits avec tant de précision.
C'est un hommage que leur rend le Vizir, en les faisant représenter dans sa tombe. Etres anonymes qui n'ont pas signé leurs oeuvres, contrairement aux futurs ouvriers d'Amarna sous Akhenaton, ils vivront pour l'éternité dans l'ombre de leur Maître, et partageront avec lui sa vie dans l'Au-delà.
Si vous ne l'avez encore fait, allez visiter Rekhmirê (TT 100), je ne vous ai décrit ici que bien peu de choses. Vous verrez dans la première salle tous les apports des pays étrangers , dont la fameuse girafe avec le petit singe accroché à son cou, et dans la salle longue les banquets funéraires (mur face aux artisans), Rekhmirê et Merit son épouse, etc, etc...
Ma reconnaissance va à mon professeur, Florence Maruejol, de qui j'ai appris ce que je viens de vous conter, et à Rekhmirê aussi, bien sûr !
Texte et photos ChD.
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