24 mars 1950. Irrésistiblement fasciné depuis toujours par l'art et l'histoire de l'ancienne égypte, je ne pouvais manquer de me laisser séduire par un récit qui aurait pour cadre le prestigieux plateau de Gizeh, et pour sujet central la fabuleuse pyramide de Chéops, l'une des sept merveilles du monde antique ! Aucune construction humaine n'a autant enflammé les imaginations ni suscité de plus folles théories que cette écrasante masse de pierres, d'où émane une indéfinissable atmosphère de magie et de mystère. Après tant de savants exégètes, j'ai à mon tour essayé, tant pour mon propre plaisir que pour celui de mes lecteurs, d'imaginer cette histoire d'"Archéologie-fiction", située à mi-distance des délirantes divagations de certains vurgarisateurs et des trop concrètes explications des égyptologues, à qui la rigueur scientifique interdit le désir d'embellir l'imagination. Restait à déterminer l'époque où situer l'action. Remontant l'histoire des dynasties pharaoniques depuis celles des pyramides jusqu'a celle du Nouvel Empire, je fus frappé par le règne fulgurant mais éphémère d'Aménophis IV, célèbre dans l'histoire sous le nom d'Akhnaton, le roi hérétique. Il est bon de rappeler qu'en 1950 Akhnaton n'était pas "à la mode", et sa réforme monothéiste n'intéressait guère le grand public. En étudiant les conditions assez obscures de sa mort et de sa succession, le mystère qui entoure sa sépulture et l'anarchie qui accompagna la contre-réforme, j'ai pensé trouvé là le chainon qui me permettrait de relier la IVe dynastie à l'éblouissante parenthèse du culte d'Aton, et de résoudre en même temps cette autre énigme, tant controversée : l'existance possible d'une chambre secrète au coeur de la Grande Pyramide. Me fondant sur les écrits des auteurs les plus autorisés, tels qu'Hérodote, Strabon, Abd-Allatif, Mariette, Maspéro, Lauer..., j'établis très soigneusement mon synopsis ainsi que ma théorie. Cela fait, je sollicitais une entrevue auprès du professeur Pierre Gilbert, directeur de la fondation Egptologique Reine-Elisabeth et conservateur des musées d'Art et d'histoire du Cinquantenaire qui, contre toute attente, voulut bien me recevoir. Je ne voudrait pas manquer l'occasion que voici pour le remercier encore bien vivement d'avoir accepté de discuter d'un sujet aussi puéril en un temps où la bande dessinée était non seulement déconsidérée, mais vilipendée par la plupart des intellectuels et des enseignants. Je lui exposait les grandes lignes du thème que je comptais traiter, et il voulut bien reconnaître (tout en m'en laissant l'entière responsabilité) la vraisemblance des situations et l'exactitude du contexte historique de mon hypothèse. Il essaya seulement de me dissuader de choisir comme cadre le plateau de Gizeh, arguant que celui-ci, fouillé de fond en comble depuis des siècles, ne devait plus recéler aucun secret. Cette dernière objection me tracassa beaucoup, car elle m'enlevait mon principal atout : la Grande Pyramide. Aussi, après mûre réflexion et come par instinct, je décidai de m'en tenir à ma première idée. Bien m'en prit. Quatre ans plus tard, en 1954, l'archéologue égyptien Kamal El Mallak découvrait, à 15 mètres sous le sable et au pied même de la Grande Pyramide, l'une des barques solaires de Chéops, parfaitement conservée ! Le professeur Gilbret mit très obligeamment à ma disposition les ouvrages de la Bibliothèque de la Fondation et, tout au long de la réalisation de cette histoire, répondit de la meilleure grâce à mes innombrables demandes de renseignements. Il accepta même de réaliser la transcription hiéroglyphique du texte de la Pierre de Maspéro. - E.P. Jacobs dans "un Opéra de Papier" -
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